Rías Baixas, le goût de la mer

Oubliez la chaleur torride et les paysages semi-désertiques qu’évoquent le centre de l’Espagne; avec ses 1200 kilomètres de littoral et ses collines verdoyantes, la Galice a presque des airs d’Irlande et d’Écosse – comme si ses paysages aimaient rappeler le lointain passé celtique de la région. Pas étonnant qu’on la surnomme l’Espagne Verte.

Par l’équipe de Chacun son vin

Cet article a été écrit à la demande expresse de DO Rías Baixas.

La Galice est choyée par un peu plus de 2200 heures d’ensoleillement par année, mais elle est surtout connue pour sa météo capricieuse, notamment pour ses précipitations (plus de 1 600 mm par an!). Les bourrasques de vent soufflent sur les terres tandis que l’océan Atlantique se déchaîne contre des falaises abruptes et s’infiltre dans les quatre estuaires – rías, en galicien – auxquels la région viticole de Rías Baixas doit son nom.

Depuis une quinzaine d’années, les vins de Rías Baixas (prononcer ri-yasse bye-chasse ») connaissent une popularité sans précédent de ce côté-ci de l’Atlantique. Pour plusieurs amateurs de vins, l’Albariño, son cépage roi, est désormais synonyme de vin blanc frais, salin et délicatement parfumé. Ce nouvel engouement pour les vins de Rías Baixas contrastent avec une longue histoire, qui commence avec l’occupation de la Galice par les Romains et se développe considérablement au 12e siècle grâce aux efforts des moines cisterciens du monastère d’Armenteira.



Les origines de l’Albariño font l’objet de plusieurs légendes. Certains ouvrages soutenant, entre autres, que le populaire cépage blanc serait un proche parent du riesling et aurait été introduit dans la région par des tribus germaniques, d’autres donnant le crédit à des bergers romains ou encore à des pèlerins de Compostelle, le point d’arrivée du célèbre chemin étant situé à la limite nord de Rías Baixas. Or, des analyses d’ADN récentes et des pépins de raisin retrouvés dans une ancienne mine de sel ont permis de conclure que le cépage Albariño était déjà cultivé en Galice sous l’occupation romaine. Son rôle de porte-étendard pour Rías Baixas est cependant un phénomène plutôt récent.

Au 19e siècle, avant la crise du phylloxéra, la région cultivait surtout des cépages rouges, ainsi que du palomino, celui-là même qui donne naissance aux vins de Jerez, en Andalousie. En 1975, soit une dizaine d’années avant que Rías Baixas ne soit reconnue comme une denominación de origen (D.O.), on comptait à peine 200 ha d’Albariño à travers l’appellation. Il en couvrait plus de 4000 ha en 2022, soit 95 % de la superficie totale du vignoble. Les sols de Rías Baixas sont principalement constitués de granit et de dépôts quaternaires, peu profonds et acides, pour la plupart.

Les quelque 4320 hectares de vignes de l’appellation sont morcellés en plus de 22 832 parcelles, donnant au vignoble de Rías Baixas l’aspect d’un immense patchwork, comme on en trouve encore dans certaines région rurales d’Europe. Une grande partie des vignobles sont encore conduits dans la plus pure tradition galicienne, c’est à dire en hauteur, à la manière d’une pergola. La vue de ces vignes grimpant sur un pieux de granite long de plus de deux mètres, puis étendant ses branches le long de treillis horizontal nommés parras, aurait de quoi faire sourciller tout amateur de vin habitué à l’image de vignes basses et rigoureusement palissées, mais cette tradition séculaire a sa raison d’être et se révèle un atout dans un climat changeant.


VENDIMIA EN BODEGA ADEGA DE LAGAR DA COSTA

Les parras traditionnels sont dressés juste assez haut pour permettre aux vents de l’Altlantique de pénétrer à travers les vignes et de sécher les feuilles, limitant ainsi les risques de maladies fongiques – très élevés vu les fortes précipitations – et aussi juste assez bas pour rester accessible à la main d’œuvre, en grande majorité féminine. Les hommes de Galice étant souvent marins de père en fils, le travail de la vigne – ainsi que l’élevage d’huîtres et de pétoncles – étaient traditionnellement confiés aux mères et à leurs filles. L’industrie de la pêche s’est un peu démocratisée depuis, mais encore aujourd’hui la moitié des bodegas de la région sont entre les mains de vigneronnes, à la vigne et dans les chais.

Les vins que confectionnent la nouvelle génération de vigneronnes et de vignerons de Rías Baixas sont le fruit de cette histoire millénaire, et pourtant, ils ne sauraient être mieux adaptés aux tendances actuelles. Des vins blancs frais, légers, purs et désaltérants, dont le style varie quelque peu d’une bodega à l’autres, mais surtout en fonction des sous-régions, au nombre de cinq: Val do Salnés, Condado do Tea, O Rosal, Soutomaior et Ribeira do Ulla.

Val do Salnés est la plus septentrionale des sous-régions et de loin la plus vaste; c’est aussi la zone la plus marquée par l’influence océanique. L’air ambiant y est même un peu salin et confèrerait aux vins d’Albariños de la région une certaine salinité. Les vins blancs de Val do Salnés sont en général plus frais, tendus et marqués par des notes d’agrumes.

Condado do Tea (prononcer té-a), la seconde sous-région en importance, est bordée au sud par le fleuve Miño, qui sert lui même de frontière avec le Portugal et la région du Vinho Verde. Comme elle est située à l’intérieur des terres, elle reçoit un peu moins de précipitations et produit des raisins un peu plus mûrs, donc des vins un cran plus riches en alcool.

La troisième, O Rosal, représente environ 11 % de l’ensemble des plantations de Rías Baixas. Elle est bordée à l’est par Condado do Tea, au sud par le fleuve Miño et à l’ouest par l’océan Atlantique, qui joue un rôle déterminant dans son climat, à mi-chemin entre ceux de Condado do Tea et de Val do Salnés.

Les deux dernières, Ribeira do Ulla et Soutomaior, sont toutes deux à l’intérieur des terres. Leur production, quoique moins substantielle, se distingue par son originalité. Soutomaior est toute petite et enclavée dans les collines qui bordent l’extrémité du Rías do Vigo, l’un des quatre estuaires. Enfin, Ribeira do Ulla, située au nord-est de Val do Salnés, peut compter sur des sols alluviaux particulièrement favorables à la culture de cépages rouges locaux comme le sousón, le pedral et l’espadeiro. Plantés dans des sols granitiques, baignés de soleil et bercés par les vents de l’Atlantique, ces vins rouges vibrants et vigoureux gagnent d’ailleurs en popularité depuis quelques années. Avec raison!

Curieux d’explorer les différents visages de Rías Baixas? L’équipe de Wine Align a dégusté pour vous une belle sélection de vins disponibles en ce moment à la SAQ et en importation privée. À vous maintenant de les découvrir!

¡Salud!

Corisca Albariño 2020, D.O. Rías Baixas, Espagne (31,25 $)

Le domaine de la famille Rodríguez est situé dans le secteur de Condado de Tea; c’est la première cave certifiée biologique à Rías Baixas. Natalia Rodríguez et son père, José María, produisent deux vins: le Finca Muiño, issu de vignes de plus de 40 ans, et celui-ci, mettant en lumière la fougue des « jeunes vignes » (entre 10 et 40 ans) du domaine. Au nez, de jolies notes végétales évoquent la vervaine et le thé vert japonais. En bouche, les saveurs d’agrumes, et de pêche persistent en longueur; l’acidité fraîche est enrobée par un élevage de 3 mois sur sur lies fines. Un vin blanc assez complexe qui gagne à être aéré au moins une heure en carafe.

Laxas Albarino 2021, D.O. Rías Baixas, Espagne (19,85 $)

Cette cave familiale fondée au milieu des années 1970 a été l’un des membres fondateurs de la D.O. Rías Baixas. L’Albariño d’entrée de gamme du domaine est le fruit d’un assemblage de différentes parcelles de la zone de Condado do Tea; fermentations en cuve inox à température régulée. En 2021, cela donne un vin blanc plutôt discret à l’ouverture, mais qui révèle au contact de l’air de jolis parfums de pomme et de fruits jaunes. Un blanc accessible, soutenu par une acidité franche et juste assez gras et volumineux pour être apprécié à table, avec un ceviche.

Rectoral Do Umia Abellio 2021

Rectoral do Umia 2021, D.O. Rías Baixas, Espagne (16,75 $)

Un très bel exemple d’albariño mûr et gorgé de saveurs de fruits jaunes, provenant de différents secteurs de la D.O. Rías Baixas. Suave et frais à l’attaque, avec des saveurs de pêche, de noyau d’abricot et de caramel. Le travail des lies apporte une agréable onctuosité, qui enrobe l’acidité. Pas très long, mais sec et de fort belle qualité pour le prix.

Granbazan Etiqueta Verde 2021, D.O. Rías Baixas, Espagne (20,20 $)

D’un important producteur de la sous-région Val do Salnés, dans Rías Baixas, ce vin a l’énergie, le zing et la légèreté d’un jeune grüner veltliner. On y trouve même les délicates notes de poivre blanc caractéristiques du grand cépage autrichien. Le 2021 laisse aussi une impression très maritime, comme si les raisins d’albariño s’inspiraient de l’océan Atlantique, situé à un jet de pierre. Aérien et nerveux ; sa finale saline met les notes citronnées en relief.

Lolo Albarino 2021, D.O. Rías Baixas, Espagne (14,80 $)

Cette cave coopérative de Salnès élabore une vaste de vins tranquilles et effervescents, dont cet albariño léger, souple et gorgé de saveurs de fruits tropicaux. Un vin de terrasse sans prétention et facile à boire. Bon rapport qualité-prix.

Paco & Lola Albariño 2021, D.O. Rías Baixas, Espagne (18,50 $)

Un cran plus ample et nourri que la cuvée Lolo, ce 2021 décline en bouche de bons goûts de nectarine et de thé oolong, auquel il emprunte aussi une délicate amertume. Rond et assez large, avec un fil d’acidité qui préserve l’équilibre. À servir avec une salade de fenouil et de pamplemousse.

En importation privée

Lagar de Costa Albarino 2021, D.O. Rías Baixas, Espagne (30,00 $)

Cette cave familiale dirigée par Dolores Fontán Limeres veille sur 7,3 hectares de vignes dans les basses terres de Cambados, à moins de 500 mètres de la mer. La nouvelle génération a réduit l’apport en SO2 lors des vinifications et expérimente avec les macérations pelliculaires. Cet excellent vin blanc donne l’impression d’un muscadet du sud, empruntant à son voisin de la Loire-Atlantique les mêmes notes salines – caractéristiques du terroir de Val do Salnés. Frais et désaltérant, oui, mais aussi complexe, riche d’une foule de nuances fruitées et végétales, entre l’écorce de citron, le thé vert japonais, les amandes vertes, le poivre blanc et la verveine. Une super découverte!    En importation privée (agence Le Maître de Chai)

Areas De Pedraneira Albarino 2021

Areas De Pedraneira Albarino 2021, D.O. Rías Baixas, Espagne (33,95 $)

Miguel Alfonso est l’un des jeunes vignerons qui insufflent une énergie nouvelle à la région. Ses vins sont issus d’un vignoble de 7 hectares, planté par son père en 1982, sur une pente granitique parsemée de pedralonga, d’énormes blocs de granite. Le Areas de Pedraneira offre une expression particulièrement mûre de l’albariño à Val do Salnés. Le nez évoque une pêche mûre et fraîchement cueillie dans laquelle on aurait envie de croquer. L’attaque est ronde, tendre et facile à aimer, ce qui n’exclut pas la profondeur, la tenue de bouche et une longue finale saline. Il sera encore meilleur après une heure en carafe ou quelques années de repos en cave.   – En importation privée (agence Symbiose).



Cet article a été écrit à la demande expresse de D.O. Rías Baixas. Dans le cadre de ses contenus réguliers, l’équipe de WineAlign et Chacun son vin goûte des vins soumis par un seul domaine, agent ou région. Nos chroniqueurs goûtent alors les vins en toute indépendance, comme toujours, et leur donnent une note et un pointage – bon, mauvais ou moyen – et leurs notes sont incluses dans notre base de données. Nous recommandons ensuite, de façon indépendante, les vins qui apparaissent dans l’article. Les domaines, agents ou régions paient pour ce service. Des publicités pour certains des vins peuvent également apparaître sur le site, au même moment que l’article, mais le choix des vins mis en valeur dans l’article revient exclusivement à WineAlign.