Un petit quelque chose aux pommes avec ça ?

Hors des sentiers battus
par Marc Chapleau

Marc Chapleau sm

Marc Chapleau

Notre site s’appelle Chacun son vin, c’est vrai, mais pour ma part, et j’ose croire qu’il en est de même pour plusieurs d’entre vous, je ne dédaigne pas une bonne bière, la plupart du temps. Surtout avec l’éclosion incessante de nouvelles microbrasseries au Québec, et des combinaisons de saveurs parfois un peu tirées par les cheveux mais ô combien réussies, et je pense notamment à la Lambic Fruit de la passion de la ferme-brasserie Schoune de Saint-Polycarpe, près de Valleyfield, vendue dans certaines épiceries et dépanneurs spécialisés.

Cette digression, désolé, pour vous emmener plutôt vers le cidre –  on ne peut plus de saison alors que l’action, en cette fin d’été, se déroule surtout dans les vergers.

Que les 50 ans et plus ne s’enfuient pas tout de suite ! Et que les plus jeunes sachent, si ce n’est pas déjà le cas, que le cidre qu’on a recommencé à commercialiser dans les années 1970 après avoir connu une longue période d’interdiction était sinon infect, du moins traître au possible…

Les cuvées alors proposées titraient allègrement 13 ou 14 pour cent d’alcool et étaient bourrées de soufre. On faisait le cidre dans ce temps-là, ont par la suite colporté les mauvaises langues, à partir de pommes tombées au sol et souvent pourries.

J’en sais quelque chose. À propos de tanguer à cause de ça en direction du plancher des vaches, j’entends…

Nous sommes d’ailleurs plusieurs quinquas à avoir pris nos premières brosses avec ce maudit cidre. On était à l’époque des hipsters et des Pôpa avant l’heure, avec nos barbes de prophètes et nos chemises à carreaux. Et tout ce qu’on a récolté pour toute cette peine qu’on s’est donnée à faire de la réintroduction du cidre un succès… c’est des mals de cheveux carabinés. (Je sais, au pluriel, mal c’est maux, mais « des maux de
cheveux », de vous à moi, ça ne fait pas très sérieux…)

Tout ça pour dire que si un gars comme moi dit aujourd’hui du bien du cidre québécois, il ne faut surtout pas le prendre à la légère.

Ça a été long, pas loin de 20 ans, mais l’industrie s’est bel et bien reprise en main. Le cidre de glace par exemple, qui ne le sait pas, est même devenu l’un de nos fleurons gastronomiques. Quant aux cidres de table, appelons-les comme ça, tranquilles, mousseux, secs et demi-secs proposent aujourd’hui une boisson saine et équilibrée, au fruité souvent très pur, on ne peut plus « pomme ». C’est tout ce que le client demande, la plupart du temps.

De fait, le cidre – sauf exception – est rarement très complexe. Il l’est du reste moins que le vin et même que la bière, souvent. N’empêche : compte tenu de notre long passé pomicole, et ne serait-ce que parce qu’on compte au Québec actuellement dix fois plus d’hectares de vergers que d’hectares de vignes, le cidre n’en demeure peut-être pas moins la boisson du terroir la plus authentiquement et plus naturellement québécoise.

Il s’agit seulement, pour les baby-boomers, de faire abstraction du passé et de l’aborder sans préjugé.

À boire, aubergiste !

J’ai goûté ou regoûté récemment un certain nombre de cidres vendus à la SAQ. Tous, ou à peu près, sont bons et bien faits, équilibrés et bien fruités. Certains ressortent tout de même du lot. Surtout au niveau de la texture, ai-je noté, les meilleurs exemples ayant plus de profondeur, une structure en bouche plus affirmée et parfois même, une légère et délicieuse astringence.

Trois cidres tranquilles pour commencer, c’est-à-dire sans effervescence.

Les Vergers Lafrance Légende D'automne 2012 Domaine Pinnacle Verger Sud La Face Cachée De La Pomme Dégel

Le Légendes d’automne 2012 Vergers Lafrance, à base de McIntosh, n’est pas trop sucré, plutôt léger (9 % d’alcool), simple et de bon goût.

Le Vergers du Sud Domaine Pinnacle m’a de prime abord fait sourciller, étant donné sa bouteille très lourde. Pas d’esbroufe en bouche cependant, équilibre exemplaire, et une agréable pointe saline.

Enfin, le Dégel La Face cachée de la pomme est comme le précédent riche et corsé, avec juste ce qu’il faut d’acidité pour le garder pimpant. À réserver par exemple pour les fromages, plus que pour l’apéro, étant donné son coffre, sa corpulence.

Michel Jodoin Cidre Mousseux Rosé Domaine Lafrance Cidre Mousseux 2013 La Face Cachée De La Pomme Bulle De Neige

Du côté des cidres mousseux, j’ai à nouveau bien aimé le Cidre léger rosé Michel Jodoin, élaboré à partir de la variété de pomme Geneva, à la chair rougeâtre, d’où la couleur du cidre. Une belle réussite à seulement 7 % d’alcool, signée par le duo Michel Jodoin/Laurence Lamboley.

Plus sucré et assez corsé, le Cidre mousseux 2013 Domaine Lafrance a tout de même une bonne fraîcheur et d’engageants arômes de pomme dès l’abord.

On renoue en gros avec le style du cidre léger de Jodoin avec le Bulle de Neige La Face cachée de la pomme, demi-sec, rafraîchissant et bien soutenu par son acidité.

Les cidres de glace

La Face Cachée De La Pomme Neige Première Ice Cider 2011 La Face Cachée de la Pomme Neige Récolte d'HiverJ’aurais pu ici parler des produits du domaine Pinnacle, du Clos Saragnat, des Vergers de la Colline et de bien d’autres encore. Si je n’en retiens que deux, du même producteur qui plus est, c’est que je viens tout juste de les regoûter et donc mon commentaire est plus à jour.

De bons points, ainsi, pour le Neige Récolte d’hiver La Face cachée de la pomme , liquoreux et quasi sirupeux mais qui demeure nerveux, malgré ses quelque 190 g de sucre résiduel par litre.

Même constat pour le Neige Première 2011 La Face cachée de la pomme, celui-ci issu d’une récolte d’automne obtenu par cryoconcentration naturelle (jus mis à geler à l’extérieur). Très compote de pomme et pas trop sucré, un excellent dessert par lui-même.

Santé !

Marc

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