Les bons choix de Marc – 2

Chroniques chablisiennes — 2
par Marc Chapleau

Après avoir abordé ce mardi la question de la minéralité (1) et du vieillissement (2) des chablis, et avant de vous suggérer quelques autres belles bouteilles, place maintenant à divers points d’intérêt qui ont été d’une manière ou d’une autre soulevés au cours du récent voyage que j’ai fait là-bas.

Mais d’abord, chose pratiquement promise, chose assurément due. J’ai retrouvé le fameux vidéo du suçage de caillou. C’est ici.

 

Marc Chapleau suce le caillou...

… à la recherche de la minéralité dans le vin ! Avec la complicité de Jean-Guillaume Bret, du domaine Bret Brothers, dans le Mâconnais.

 

Après la pierre à lécher, puisque je vous laisse d’abord visionner l’extrait, on tâtera un peu du liège reconstitué…

3. LE BOUCHON DIAM

Les vins altérés pour cause de mauvais bouchons de liège, on le sait, demeurent fréquents. Or aux yeux des vignerons chablisiens, le défaut pardonne encore moins pour leurs vins, purs et cristallins.

DIAMPlusieurs ne jurent ainsi que par le bouchon Diam, fait de liège réduit en poudre, traité de manière à empêcher toute contamination causant le fameux goût de bouchon, puis reconstitué. Chez William Fèvre, par exemple, tout est bouché Diam.

Mais le Diam a aussi ses détracteurs, qui se méfient, à terme, des colles utilisées pour reconstruire le bouchon : vont-elles un jour, après quelques années, être relarguées dans le vin ? D’autres estiment que le Diam remplit à ce point son office qu’il réduit les vins, qu’il les empêche de respirer comme cela se produirait avec le liège traditionnel, le long de l’interface verre-bouchon.

Si bien que la capsule dévissable, même si elle est fragile, demeure, dans l’esprit de plusieurs, la véritable panacée. Même pour les premiers et grands crus ? ai-je demandé à Bernard Raveneau, qui m’a répondu : « Ils ont fait des expériences voilà quelques années chez Laroche, et les résultats étaient très satisfaisants… »

4. LE GEL ET LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

Du folklore, le brasero dans les vignes au printemps pour contrer le gel ?
« On l’a fait en 2014, avant ça il faut remonter à 2003, indique Guillaume Michel. Ce n’est plus vraiment une menace, de nos jours. »

Le réchauffement climatique aurait-il donc tout bon, dans la région ? La réponse du vigneron Bernard Raveneau : « Cela est bénéfique à Chablis, oui. Certes, les équilibres acides s’en trouvent modifiés, et oui, c’est vrai, les vins sont plus riches, parfois moins tendus. Mais… peut-être aussi qu’ils étaient trop acides, avant », dit-il, sourire en coin. Il n’en conclut pas moins : « Mais là, au stade où on est rendus, il ne faudrait pas que ça réchauffe plus… »

5. LE BOIS : OUI OU NON ?

Certains, l’excellent domaine Louis Michel est de ceux-là, sont tout à fait contre : on doit produire des chablis sans artifices boisés, nets, purs et précis.

D’autres, Thomas Pico par exemple, du domaine de Pattes-Loup, s’insurgent contre la tendance : « Du Chablis sans bois ? C’est des conneries ! C’est typique de vieillir nos vins dans le bois, mon grand-père le faisait déjà. C’est une mode, le tout cuve ! »

Vincent Dauvissat, du domaine éponyme, exprime la chose ainsi : « On fait 10 % de bois neuf même sur le Petit Chablis… Nous, on utilise le bois comme catalyseur, pour faire parler les terroirs. Grâce au phénomène d’oxydoréduction, le vin “respire”. C’est l’élevage, quoi… »

Chose certaine, la plupart des grands domaines usent du chêne à bon escient, sans que le vin ne se retrouve avec une empreinte boisée marquée — sauf peut-être chez Benoît et Jean-Paul Droin, où certaines cuvées, de l’aveu même des intéressés, ont des accents « côte d’oriens ».

Le vrai problème avec le bois, c’est qu’il y eut une époque à Chablis, dans les années 1980 notamment, où certains vins, ceux de William Fèvre entre autres, étaient boisés au point d’être dénaturés. S’en est apparemment suivie, y compris pour plusieurs consommateurs, une aversion systématique pour la barrique, le foudre et le demi-muid.

6. LE « PETIT CHABLIS »

On le croyait disparu, et voilà qu’il est partout ! Le « petit chablis », élaboré en principe à partir des terroirs les moins valorisés de la région, est de plus en plus en populaire. Longtemps perçu de manière péjorative à cause de son nom, le vin semble aujourd’hui connoter une sorte de retour au Small is Beautiful. À un petit quelque chose d’authentique, sans artifices. Quoi qu’il en soit, les petit-chablis, j’en ai recommandé mardi, sont souvent vifs et rafraîchissants, à défaut d’être complexes. Ils constituent en règle générale de bons rapports qualité-prix.

7. PREMIERS CRUS OU GRANDS CRUS ?

Mon coming out, tout de go : je crois que je préfère les premiers crus aux grands crus…

LOVECHABLISUne hérésie, je sais. Un crime de lèse-majesté. Comment dire… je trouve dans l’ensemble les premiers crus plus minéraux, plus tendus, bref plus vifs et plus énergiques. Et les grands crus, je généralise encore, plus riches, plus profonds, plus complexes aussi, c’est vrai, j’en conviens, avec eux il faut être patient. Mais mon coeur balance, vraiment… Surtout que les prix sont à l’avenant.

8. LA SAGA DES MILLÉSIMES

Dixit Vincent Dauvissat lui-même : « Depuis 10 ou 15 ans, il n’y a pas eu de mauvais millésimes à Chablis. » Cela dit, à peu près tous s’entendent pour mettre sur le dessus du panier 2012, 2010, 2008, 2005 et 2002, pour s’arrêter là. On trouve tout de même de superbes bouteilles en 2011, 2007, 2006, 2004 et même 2013. « Une année qu’on va essayer d’oublier rapidement », dit Bernard Raveneau à propos de ce millésime qui a vu les rendements fondre avec la pluie et les foyers de pourriture qui se sont installés.

9. LE CHABLIS ET LES HUÎTRES

Un mariage naturel, pourrait-on croire. Oui, diront à cela plusieurs vignerons, mais avec un petit chablis ou sinon un chablis tout court bien vif. Autrement, si on pense aux premiers crus et aux grands crus… « Ils ont trop de richesse pour bien aller avec des huîtres nature, je préfère encore pour ma part un bon muscadet », avoue Vincent Dauvissat avec une belle ouverture d’esprit.

10. LES MOTS DU CHABLIS

La minéralité, c’était dans mon texte de mardi. Aujourd’hui, place pour commencer à la salinité : « Le travail des sols apporte ce côté salé aux vins », indique Denis Pommier, qui élabore des chablis vifs et élégants.

Au mousseron, maintenant : c’est une sorte de champignon et de fait, on dit à Chablis que le vin mousseronne quand il vieillit et prend des notes d’humidité, de vieille cave. Quant à la craie, on a encore moins envie de la sucer qu’un caillou, celle-là. En plus ça tache ! La sensation crayeuse, agréable et qui se perçoit surtout en fin de bouche, est liée à la minéralité et à la texture du vin. Enfin, la laine mouillée (qui traduit la présence de minéralité pour les uns, de soufre pour les autres) et le grillé (associé tantôt à la minéralité, tantôt au boisé) reviennent souvent dans les commentaires de dégustation. Ainsi que les agrumes (un côté tropical), le silex et la pierre à fusil.

À boire, aubergiste !

Du côté des premiers crus, j’ai goûté ces jours-ci et bien aimé l’énergique Domaine Bernard Defaix Chablis Premier Cru Vaillons 2012, l’atypique Patrick Piuze Chablis Premier Cru Montmains 2012 et le déjà complexe William Fevre Chablis Premier Cru Fourchaume 2011.

Domaine Bernard Defaix Chablis Premier Cru Vaillons 2012Patrick Piuze Chablis Premier Cru Montmains 2012William Fèvre Chablis Premier Cru Fourchaume 2011Château Grenouilles Chablis Grand Cru 2009Simonnet Febvre Chablis Grand Cru Les Clos 2009

Au sommet de la hiérarchie chablisienne — même si un peu comme à Bordeaux pour les grands crus classés, ils ne comptent que pour 2 pour cent de la production totale de la région —, les grands crus de Chablis brillent de tous leurs feux, avec la colline qui les abrite surplombant le village.

Entre autres disponibles à la SAQ actuellement, le Chateau Grenouilles Chablis Grand Cru 2009 et le Simonnet-Febvre Chablis Grand Cru Les Clos 2009 s’avèrent encore plus riches et concentrés qu’à l’accoutumée dans ce millésime chaud et ensoleillé.

Santé !

Marc

Chroniques chablisiennes — 1

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