Vox populi

Hors des sentiers battus
par Marc Chapleau

Marc Chapleau

Marc Chapleau

Un mot d’abord sur l’élection du gars d’à côté — ou d’en dessous, devrais-je plutôt dire. Tout porte à croire que c’est la majorité finalement pas si silencieuse qui a élu le Donald en question. Or je ne sais pas pourquoi, mais cela me fait penser à ce qui s’observe, parfois, dans notre petit monde du vin…

Exemple, l’engouement incroyable du public pour les vins rouges sucrés, souvent californiens et qui se passent de présentation tant ils sont nombreux.

C’est à la fois choquant, et étonnant.

Les Québécois, pour commencer, sont censés connaître le vin aujourd’hui bien mieux qu’il y a 20 ans, sa culture s’étant répandue chez nous comme une traînée de poudre. Puis, aussi, nos palais français, c’est bien connu, nous attirent plus vers les vins européens que vers ceux du Nouveau Monde, souvent racoleurs, moins acidulés voire carrément sucrés, comme on sait.

Le Québec forme donc une société oenophile distincte, par rapport au reste du Canada. Ici mes amis, on sait boire, et depuis longtemps, on sait ce qui est bon…

Mon oeil, oui !

Car à l’évidence, à se gargariser de rouge sucré comme on le fait, nous sommes loin d’avoir le monopole du bon goût.

Les chroniqueurs et sommeliers d’ici, pratiquement sans exception, ont beau dénoncer cette dérive, ce piège à cons, ces « vins » s’attirent encore et toujours la faveur populaire. Au point où depuis quelque temps, des vignerons français, italiens et espagnols ont commencé à se dire pourquoi pas, ça se vend tout seul, édulcorons-nous aussi nos produits.

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Qu’en conclure ?

Que tout plein de nos compatriotes ne savent pas goûter ? Qu’ils sont incultes ? Qu’il se trumpent ? Et s’amusent à nous faire suer, nous de l’establishment du vin, nous les connaisseurs, et nos bouches en cul-de-poule…

Les experts aboient, le troupeau passe.

Vox populi, vox défi.

QUOI DE NEUF, DOCTEUR ?

Changement de propos — quoique, peut-être pas tant que ça.

J’étais chez mon médecin, récemment. Un type qui, à vue de nez, doit aisément faire dans les 200 000 $ par année.

Après trois palpations, deux percussions et une auscultation (rien de grave non, je vous remercie), et comme il sait que je suis porté sur la bouteille, il me lance :

— Tu sais Marc, j’ai commencé à sabrer mes champagnes. J’aime ça, j’arrête pas, on s’amuse comme des fous mes chums et moi !

— Et vers quelle sorte de champagne vas-tu, de manière générale ? demandé-je pour ne pas avoir à lui dire que la folie du décapitage, bien peu pour moi. Les grandes maisons, ceux qui sont moins dosés, moins sucrés ?

— Ah non non, je bois des champagnes qui ne viennent pas de là-bas, en France.

Voyez-vous ça…

On s’en fiche, qu’il confonde champagne et mousseux. Voilà plutôt un gars qui aurait amplement les moyens de s’offrir au moins un sinon deux vrais bons champagnes par semaine, et qui se contente de produits de substitution certes potentiellement très bons, mais tout de même dans une autre ligue et dans l’ensemble jamais aussi bons.

Comme quoi aimer le vin et s’offrir de belles bouteilles, ce n’est pas seulement une question d’argent.

Vrai, avoir les poches minimalement profondes ne nuit pas. Mais il faut surtout avoir la piqûre.

Je pense par exemple à cet amateur, infirmier dans le Grand Nord, qui redescend dans le Sud une fois par mois, père ici de deux jeunes enfants, et qui trouve quand même le moyen de se taper à répétition des fioles à cent cinquante dollars.

C’est fou, non ?

En tout cas, en voilà au moins un qui peut à bon droit prétendre que le vin, c’est la santé…

~

À boire, aubergiste ! 

Altesino Rosso Di Montalcino 2014 — Meilleur que jamais dans sa livrée 2014, cet Altesino élaboré exclusivement avec du sangiovese. Mi-corsé, superbe acidité malgré ce qui semble être une touche de sucre résiduel, beaucoup de fraîcheur, pointe d’amertume en finale, qui appelle la nourriture. Gourmand ! [26,45 $]

Easton House 2011 Très digeste rouge californien signé Easton, un assemblage cabernet-sauvignon et syrah corsé mais aussi souple et surtout sec, sans ce fâcheux sucre résiduel qu’on retrouve dans plusieurs vins californiens. Belle fraîcheur, par ailleurs. [23,20 $]

Altesino Rosso di Montalcino 2014Easton House 2011Burchino Chianti Superiore 2014Château Pesquié Terrasses 2014

Burchino Chianti Superiore 2014 —  Léger (12,5 pour cent d’alcool), fruité, épicé, on ne peut plus digeste. Touche boisée manifeste mais bien intégrée, sans que le jupon dépasse. Très bon rapport qualité-prix ! [18,05 $]

Château Pesquié Terrasses 2014 — Très bon côtes-du-rhône rouge issu d’un assemblage de grenache (60 pour cent) et de syrah. Du corps, de la fraîcheur, un grain relativement serré. Finale boisée et épicée, qui n’enlève rien à l’ensemble, bien au contraire. À ce prix, une aubaine. [18,10 $] 

Louis Latour Mâcon-Lugny Les Genièvres 2014 — Ample, goûteux, nerveux (l’acidité), et avec cette impression sucrée typique des blancs 2014, selon Louis-Fabrice Latour. Vraiment très bon, et prix tout à fait mérité. [24,35 $]

Campagnola Chardonnay Veneto 2015 — À petit prix, un étonnant et convaincant chardonnay italien, aux notes de tabac blond, légèrement floral également, avec du corps, une certaine richesse, du nerf, et pas trop de sucre résiduel (4 g). [13,40 $]

Louis Latour Mâcon Lugny Les Genièvres 2014Campagnola Chardonnay 2015Bodegas Castaño Monastrell 2014Hugel Riesling 2014

Castano Monastrell Yecla 2014 — Une aubaine ! Un rouge vendu exclusivement en SAQ Dépôt (j’adore ce magasin !) bourré de fruit, avec le luxe d’avoir même une certaine profondeur, et pratiquement pas de sucre résiduel (3,9 g).  Souplesse et générosité, et composante boisée bien intégrée. [12,40 $]

Hugel Riesling Alsace 2014 — Impeccable dans sa livrée 2014, ce classique des succursales de la SAQ. Pas ou très peu de notes pétrolées intempestives, une texture suave, enrobée, une acidité tonifiante et un caractère pratiquement sec – moins de 5 g. [18,75 $]

Marc

 

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