Éloge de la lenteur

Soif d’ailleurs avec Nadia

Nadia Fournier

Nadia Fournier

Vous en connaissez, vous, des gens qui ne courent pas après le temps ?

Moi, de moins en moins. Et quiconque me fréquente un peu sais que j’entretiens une relation tordue avec le temps. Une sorte de rapport amour-haine. Il semble que ce soit le propre des grands optimistes, qui voient le temps comme une ressource renouvelable et mènent leur vie en pensant qu’ils n’en manqueront jamais.

Si je vous parle de ça, c’est que ce soir, se tient à Montréal une dégustation Slow Wine, une branche du mouvement Slow Food.

Vous connaissez tous Slow Food ? Non ? Un petit rappel.

En 1986, préoccupé par l’invasion de son Italie natale par la restauration rapide, le journaliste piémontais Carlo Petrini créait le mouvement Slow Food. Sociologue de formation, Petrini anticipait les dommages collatéraux du développement effréné de l’industrie agroalimentaire et fut parmi les premiers à tirer sur la sonnette d’alarme. Avec Slow Food il invitait les citoyens à se mobiliser pour préserver la biodiversité de leur région et leur héritage culinaire, mais aussi favoriser une économie agricole à échelle humaine.

En plus d’une immense foire alimentaire où se rencontrent les artisans agroalimentaires de la planète, le Salone del Gusto – évènement phare de Slow Food, qui se tient chaque automne à Turin, dans le Piémont – comporte des dizaines d’ateliers et de conférences sur des thèmes variés, plusieurs rattachés au monde du vin. C’est comme ça, entre autres, que s’est dessinée la filiale Slow Wine.

 

Bien sûr, les enjeux de la production viticole n’ont pas la même importance que ceux liés aux denrées alimentaires, mais le sujet ne mérite pas moins d’être abordé avec sérieux. Et la disparition de plusieurs cépages anciens, tout comme l’utilisation intensive de pesticides qui font de la viticulture l’un des secteurs agricoles les plus polluants et le recul des vendanges traditionnelles au profit de la machine à vendanger – qui ramasse près de 80 % de la récolte française – sont autant de raisons pour continuer à alimenter le débat. Sans mauvais jeu de mots.

Si vous passez par la Petite Italie ce soir, faites un détour par le Marché Jean-Talon. Une dizaine d’agences seront sur place pour faire goûter des vins, natures ou pas, mais qui s’inscrivent tous dans l’esprit Slow Wine.

5e Salon des vins nature Slow Wine de Montréal

– Quand : ce soir, 23 mars 2016, de 17 :30 à 21h;

– Où : Salle Mandoline, Marché Jean-Talon.

Parmi les agences qui seront présentes :

– La QV : les vins de Vini-Bio (Portugal), Old World Winery (Russian River Valley), Domaine Bourdy (Jura), Domaine Bouillot-Salomon (Bourgogne), Domaine Les Béates (Provence), Domaine des Huards (Loire), Bodegas Marañones (Espagne), de même que les bières de Cauwe (Belgique) et les cidres de la Ferme Apicole Desrochers, seront servis.

– réZin : les vins de la Cave des vignerons d’Estézargues (Rhône), Domaine Cosse-Maisonneuve (Sud-Ouest), Vincent Carême (Vouvray, Loire), Aurora (Marches, Italie) seront servis.

– Ward & Associés : les vins de Pyramide Valley (Waipara, Nouvelle-Zélande), Olivier Pithon (Roussillon), Enderle & Moll (Baden, Allemagne), Weingut Knauss (Wurttemberg, Allemagne), La Grapperie (Anjou, Loire), Paraschos (Friuli, Italie) seront servis.

– Œnopole : les vins de Domaine Tetramythos (Péloponnèse, Grèce), Tami (Occhipinti, Sicile, Italie), Catherine et Pierre Breton (Loire) et Produttori del Barbaresco (Piémont, Italie) seront servis. 

Qu’est ce qu’on boit ?

Mis en marché il y a quelques semaines – mais encore disponibles dans le réseau – une belle série de vins de toute l’Italie. Plusieurs noms connus, mais aussi quelques nouveautés, dont un vin de l’Etna absolument délicieux.

Mais avant de descendre vers les îles, petit arrêt dans le Piémont. À Barolo, plus que nulle part ailleurs en Italie ou dans le monde, les producteurs sont divisés en deux camps : les traditionnalistes et les modernistes. Les premiers privilégient de longues macérations et des élevages foudres, les seconds de courtes macérations, souvent en barrique.

Installée à Castiglione Faletto, la famille Scavino représente admirablement le camp des modernistes et son Barolo exerce un charme certain, d’autant plus qu’il est particulièrement mûr et nourri en 2011. À la fois très généreux et doté de cette vigueur tannique qui est la marque des bons vins de nebbiolo. (47 $)

Paolo Scavino Barolo 2011 Pra Valpolicella Superiore 2013 Albino Piona Bardolino 2012

De la Vénétie

Je ne suis pas fan des vins de style ripasso, que je trouve souvent sucrés, crémeux. Pas celui-ci. Dans la même lignée que les soave et valpolicella de la maison Prá, le Valpolicella Superiore Ripasso 2013 se dessine tout en élégance. Ample, gorgé de fruit et particulièrement long en bouche. Servir autour de 15°C. La belle bouteille pour se réconcilier avec les vins rouges de Vénétie. (30 $) 

La couleur pâle du Bardolino 2012, Albino Piona annonce un vin délicat, souple et leste, misant avant tout sur le fruit. Très bon vin de soif, issu de corvina et de rondinella, produit dans la région de Bardolino, en Vénétie. (22,15 $)

Nettement plus harmonieux aujourd’hui que lorsque dégusté au cours de l’été 2015 le Telos Valpolicella Superiore 2013 de Tenuta Sant’Antonio est vinifié sans ajout de sulfites. Rien de complexe, mais des saveurs nettes de fruits frais sur une trame juteuse et dodue. (25,40 $) 

Dans un tout autre registre, le Frank! 2012 de Marco e Nicola Barollo a lui aussi profité de quelques mois de repos. Le parfum boisé qui dominait en août dernier est encore bien présent, sans toutefois masquer les goûts de fruits noirs et d’herbes séchées du cabernet franc. Bon potentiel de garde. (22,95 $) 

En blanc, le Ca’ del Magro 2012 de Monte del Fra, un ssemblage de garganega, trebbiano, tocai friulano, cortese et chardonnay. Pas spécialement complexe, mais sec, assez aromatique, avec du gras et de la matière. (20 $)

Tenuta S Antonio Telos Il Rosso 2013 Barollo Marco E Nicola Barollo Frank ! 2012 Monte Del Fra Bianco Di Custoza Superiore 2012Tua Rita Palazzetto 2013 Lungarotti L'U 2012

Toscana, Umbria

Fondé en 1984, Tua Rita a été le premier domaine à s’établir dans le secteur de Suvereto, dans la province de Livourne. Encore très jeune et débordant de fruit, le Martina Palazzetto 2013 n’est pas très profond, mais il apporte un vent de fraîcheur dans le paysage toscan. Un vin abordable dont on a soif. (19,70 $) 

La famille Lungarotti joue un rôle prédominant sur l’appellation Torgiano, en Ombrie. D’abord par sa taille – on y produit environ trois millions de bouteilles par an, mais surtout par la qualité de ses vins. Bien que le sangiovese y soit enrobé d’une proportion de merlot, L’U 2012 reste assez fidèle à ses origines. Le bon vin pour accompagner la cuisine familiale de tous les jours. (18,80 $) 

Les îles

Tenuta Della Terre Nere Etna 2014 Azienda Agricola Pala Silenzi Rosso 2014La Sardaigne était sous la juridiction du royaume d’Aragon pendant près de quatre siècles (1323 à 1720). Ce n’est donc pas un hasard si la majorité des cépages de l’île sont originaires d’Espagne. Composé de carignan et de grenache, le Rosso 2014, Isola dei Nuraghi de Pala Silenzi a une allure très méditerranéenne : gourmand, avec une attaque en bouche généreuse et des goûts de fruits confits. À servir frais autour de 15-16 °C. (19,40 $)

Et je vous ai gardé le meilleur pour la fin…

Tout à l’est de la Sicile, le vignoble du Mont Etna a été laissé à l’abandon pendant une bonne parte du siècle dernier. La région connaît un nouveau souffle depuis une quinzaine d’années, grâce à une nouvelle vague d’investisseurs, dont Marco De Grazia, propriétaire de la Tenuta delle Terre Nere. Les cépages nerello mascale et nerello cappuccio s’enracinent dans les sols volcaniques, entre 600 et 900 mètres d’altitude et donnent au Etna Rosso 2014 un grain tannique fin et suave, mais assez compact pour laisser en bouche une sensation fraîche et tonique; une longue finale florale et épicée et un équilibre presque parfait. La belle bouteille pour redécouvrir la Sicile sous un jour élégant. (25,10 $)

Les stocks commencent à se raréfier, mais au moment d’écrire ces lignes, on trouvait encore l’Etna rosso de Terre Nere dans une cinquantaine de succursales à travers le réseau. Rien ne sert de courir, vous avez encore le temps…

Santé!

Nadia Fournier

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Castello di Gabbiano Riserva Chianti Classico 2012