Les bons achats de Marc – avril

Quand la cigogne atterrit sur la table…
par Marc Chapleau

Marc Chapleau

Marc Chapleau

On les reconnaît, sur une table, à la forme de leur bouteille, étroite et élancée, la fameuse flûte du Rhin – qu’on retrouve aussi beaucoup en Allemagne. Les distingue, également, le fait qu’ils sont quasi toujours blancs, et qu’ils portent aussi quasi toujours le nom du cépage dont ils sont issus. Enfin, ces dernières années du moins, ils ont souvent cette particularité de n’être pas tout à fait secs, de contenir un peu de sucre résiduel, parfois même passablement. Cela dit, leur acidité est en général assez vive : la proposition tient donc la route dans l’ensemble, bien des vins demeurent rafraîchissants.

Je parle de l’Alsace, évidemment. De cette région française relativement nordique mais aussi relativement peu arrosée : avec le secteur entourant Perpignan, dans le Roussillon, l’Alsace est l’un des territoires les plus secs de France.

Il s’agit de vins de gastronomie, a-t-on coutume de dire de ces Riesling, Sylvaner, Pinot Blanc, Gewurztraminer et autres Muscat. Pas surprenant, du reste, la région étant résolument gourmande, et comptant notamment une trentaine de restaurants étoilés Michelin. Des vins, aussi, moins exportés que les autres grands vins français. Environ 75 pour cent de la production alsacienne est en effet vendue sur place, dans la région. Souvent au caveau même, à la propriété — la Route des vins d’Alsace étant très populaire.

Le village de Riquewihr (www.hugel.com)

Le village de Riquewihr, où est notamment établie la maison Hugel.

Villages de cartes postales, vignes plantées à flanc de montagne. On a tout intérêt à parcourir la fameuse route en gros depuis Strasbourg (au nord) jusqu’à Thann, non loin de Mulhouse. La pittoresque commune de Riquewihr, notamment, où est établie la maison Hugel, mérite qu’on s’y attarde.

Mais qu’en est-il des vins eux-mêmes, et surtout des quatre principaux cépages ? Je laisse ici le regretté confrère Stéphane Émond, qui avait signé un article sur l’Alsace dans le tout premier magazine Cellier, résumer le portrait à sa façon, de manière claire, concise et imagée :

« En général, le riesling est vif, très minéral et possède le nez le plus raffiné : citron confit, marmelade, cire d’abeille, floral délicat, résine. Le gewurztraminer joue habilement de l’amertume pour compenser son acidité modérée et soutenir sa corpulence amplement parfumée : rose et autres notes florales exubérantes, épices sucrées, litchis, ananas confits et autres fruits exotiques, infusions… Le pinot gris contient souvent plus de sucre résiduel et fleure les fruits à noyau sucrés et les poires dans le sirop. Le muscat également un rien amer donne une impression aérienne, avec son nez floral étourdissant et des effluves d’abricot. »

Peu de choses ont changé depuis, mis à part peut-être, on le disait, la quantité de sucre dans les vins, qui a augmenté. Et aussi l’appellation
« grand cru », unique jusqu’en 2011 et depuis lors déclinée en 51 appellations distinctes désignant autant de terroirs spécifiques.

À boire, aubergiste !

Par suite du passage au Québec, tout récemment, de l’oenologue et porte-parole des vins d’Alsace, Thierry Fritsch, la presse spécialisée a pu goûter une sélection de vins alsaciens présentement disponibles à la SAQ.

J’en ai retenu sept.

D’abord le Crémant d’Alsace Beblenheim, vendu moins de 20 $ et aux saveurs riches et enveloppées tout en demeurant bien nerveuses.

En blanc tranquille (non mousseux), le Pinot Blanc Albert Boxler 2012 séduit avec ses notes aromatiques évoquant le tabac blond bien frais et sa texture riche, pas trop sucrée. Très bon également le Riesling Réserve Fernand Engel 2013, assez finement typé au nez et avec une bouche délicate et une belle pureté de fruit.

Cave de Beblenheim Crémant d'Alsace Brut Domaine Albert Boxler Pinot Blanc 2012 Domaine Fernand Engel Réserve Riesling 2013 Domaine Ostertag Fronholz Pinot Gris 2011

On reste en blanc mais les choses se corsent, au propre comme au figuré. D’abord le Pinot Gris Fronholtz Ostertag 2011, élaboré à la bourguignonne, est vif et tendu, tout en puissance et en harmonie. Plus évolué, le Pinot Gris Grand Cru Sonnenglanz Bott Geyl 2008 est franchement sucré mais aussi très bien appuyé par son acidité, il a de l’allant. On le réservera pour la fin de repas, avec les fromages, par exemple, ou encore avec le foie gras.

Du côté des gewurztraminers, le Gewurztraminer Hugel 2012 est à la fois typé et engageant, avec ses notes de rose et aussi viandées – l’amalgame est curieux, je sais, une fleur, une viande, mais ça marche, ça sent vraiment bon. Enfin, le Gewurztraminer Grand Cru Rangen Zind Humbrecht 2012 est rien de moins qu’un grand vin, puissant, riche, viandé et iodé, sucré aussi.

Domaine Bott Geyl Sonnenglanz Grand Cru Pinot Gris 2008 Hugel Gewurztraminer 2012 Domaine Zind Humbrecht Clos Saint Urbain Gewurztraminer Grand Cru Rangen De Thann 2012 J. & M. Lehmann Poire Williams Grande Réserve

J’ajoute une eau-de-vie, parce que l’Alsace sait ô combien faire en ce domaine-là aussi. La Lehmann Poire Williams Grande Réserve distille une savoureuse chaleur – on la sirote rafraîchie, lentement et langoureusement, en se moquant de la neige qu’ils annoncent pour la fin de semaine…

Bonne dégustation !

Marc

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